« Incapacité physique ou mentale pour un
salarié à exercer ses fonctions » :
l’inaptitude est une notion juridique peu aisée à appréhender. Voici quelques points d’éclaircissement.
À quels moments l’inaptitude peut-elle être prononcée ?
Lors d’une visite médicale, puisque c’est le médecin du travail qui prononce l’inaptitude. Il existe différents types de visite médicale : visite d’information et de prévention ou de suivi individuel renforcé ; visite de reprise, de pré-reprise ou à la demande.
C’est souvent lors de la visite de reprise que se pose la question de l’inaptitude. Elle intervient après un arrêt de travail de plus de 30 jours pour accident de travail, maladie ou accident non professionnel. Ou après un congé maternité, ou encore après une maladie professionnelle (quelle que soit sa durée). Elle doit être organisée le jour de la reprise ou dans les huit jours qui suivent. Elle permet de vérifier que le poste de travail est compatible avec l’état de santé du travailleur.;
Quel est le rôle du médecin du travail ?
Le rôle du médecin du travail ne se limite pas à déclarer le salarié apte ou inapte. Le cas échéant, il peut préconiser l’aménagement ou l’adaptation de son poste de travail. Il remet alors au salarié un document décrivant ses propositions. Le médecin du travail peut, en cas d’inaptitude, préconiser le reclassement du salarié. Si l’employeur a déjà été sollicité à ce sujet, le médecin pourra, lors de la visite de reprise, examiner ses propositions d’aménagement ou d’adaptation de poste, ou de reclassement.
Quoi qu’il en soit, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude au poste de travail que si trois actes ont été réalisés :
- Un examen médical ;
- Une étude du poste, des conditions de travail avec actualisation de la fiche d’entreprise ;
- Un échange, par tout moyen, avec l’employeur. À noter, l’inaptitude partielle ou temporaire n’existe pas juridiquement.
L’inaptitude signifie-t-elle que le salarié ne peut plus travailler ?
Non. D’une part, l’inaptitude n’est pas l’invalidité, qui, elle, est déclarée par le médecin-conseil de l’Assurance maladie. D’autre part, l’inaptitude prononcée par le médecin du travail est fondée sur la compatibilité du poste précis occupé par le salarié avec l’état de santé de celui-ci. Ainsi, après un avis d’inaptitude, le salarié peut éventuellement occuper un autre poste dans la même entreprise. Ou occuper un autre emploi dans une autre entreprise.
En cas d’inaptitude, le médecin du travail rend des conclusions écrites, avec des indications sur les capacités du salarié à exercer une des tâches existantes dans l’entreprise ou à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. À noter : l’inaptitude peut néanmoins être contestée. À cette fin, le salarié doit saisir le conseil des prud’hommes en la forme des référés, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’inaptitude
Quelles sont les obligations de l’employeur en cas d’inaptitude ?
L’employeur doit étudier les possibilités de reclassement à proposer au salarié concerné. Que l’inaptitude soit ou non d’origine professionnelle, il doit consulter le CSE… avant toute proposition de reclassement ! L’employeur et le CSE doivent s’appuyer sur les préconisations du médecin du travail. Et prendre en compte ses indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. La recherche du poste de reclassement doit se faire sur le périmètre le plus large possible : établissement, entreprise, groupe. Mais seulement en France. Le reclassement doit être sérieux et loyal. Et l’employeur doit aller jusqu’au bout dans sa recherche de reclassement, y compris en utilisant les services de Cap emploi.
Cependant, quand il propose un reclassement au salarié, celui-ci a le droit de le refuser. Et l’employeur, s’il le peut, doit lui faire une nouvelle proposition.
Quoi qu’il en soit, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail du salarié que s’il justifie :
- soit de son impossibilité de proposer un emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé et respectant les indications du médecin du travail ;
- soit du refus par le salarié de l’emploi proposé ;
- soit de la mention expresse, dans l’avis du médecin du travail, que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. Dans ce cas, l’employeur est dispensé de recherche de reclassement. S’il est constaté une absence avérée de possibilité de reclassement, l’employeur en informe le salarié en indiquant les motifs qui s’opposent au reclassement. Et il est en droit de le licencier.
Prévention : de prochaines avancées ?
Une réforme de la santé au travail est en cours, visant à prévenir l’inaptitude. Le texte comporte en effet des améliorations notables en termes de prévention. La réforme de la santé au travail, actuellement en préparation, porte l’ambition de renforcer la prévention de la désinsertion professionnelle. À savoir le risque de perte d’emploi d’un salarié à la suite d’une altération de sa santé. Cette proposition de loi, en cours d’examen au Sénat, transpose l’ANI « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail », du 9 décembre 2020.
Durant la négociation de l’ANI, la CFTC a porté un positionnement très novateur. Nous proposions de renverser la logique de l’aptitude de la personne au poste de travail pour aller vers l’aptitude du poste de travail à accueillir tout travailleur et à préserver la santé. Nous n’avons pas été complètement entendus, mais des nouveautés renforcent la prévention de la désinsertion professionnelle (PDP). La PDP deviendrait une mission obligatoire des services de santé au travail, qui, par l’intermédiaire d’une cellule dédiée, favoriseraient un repérage plus précoce des situations à risque et faciliteraient le lien entre les médecins du travail et les médecins traitants.
Les relations avec les acteurs régionaux du handicap seraient aussi fluidifiées, et les plans de retour au travail renforcés. Il est également question de créer une nouvelle visite médicale : la visite de mi-carrière. Ses buts : repérer une éventuelle inadéquation entre le poste de travail et l’état de santé, mieux sensibiliser les travailleurs au vieillissement et anticiper le risque de désinsertion professionnelle. Enfin, les visites de pré-reprise, encore trop peu utilisées (lire notre article précédent), seraient renforcées par un rendez-vous de pré-reprise, organisé entre le travailleur et l’employeur durant la suspension du contrat de travail. L’objectif de ce rendez-vous étant d’informer le salarié en arrêt de travail des modalités permettant de bénéficier des actions de PDP, de l’examen de pré-reprise ainsi que des mesures d’aménagement du poste de travail et des horaires.