Le directeur financier de Carrefour, Matthieu Malige, présentera ce soir la clôture du rachat de Cora et Match aux analystes financiers. Sous la pression des short sellers, il insistera sur les synergies et le maintien des dirigeants actuels. Mais passera sous silence ses intentions en matière de location- gérance ou de compression d’emplois.
Matthieu Malige, directeur financier de Carrefour.
Alexandre Bompard, par la voix de son directeur financier Matthieu Malige, présentera ce soir aux investisseurs son opération de clôture du rachat des enseignes Cora et Match au groupe Delhaize. Le PDG de Carrefour a obtenu pour cela une dérogation de l’Autorité de la concurrence (ADLC), même si celle-ci ne rendra ses conclusions sur la dizaine de zones de concurrence en tension qu’à partir d’octobre.
Mais pas question, en ce 1er juillet déjà agité politiquement, d’annoncer une intégration en forme de coup de poing ou de donner trop de détails sur les ambitions de Carrefour pour ses 60 nouveaux hypermarchés Cora et 115 supermarchés Match. L’action du distributeur est particulièrement visée par les vendeurs à découvert ces derniers mois. Son cours en Bourse a plongé il y a deux semaines, après que Bercy a réclamé une amende de 200 millions d’euros pour appuyer la plainte déposée par plus de cent franchisés contre leur franchiseur.
Pas de tête coupée
Il est donc temps de rassurer. Seules les informations allant dans le sens de la paix sociale et boursière devraient filtrer. Selon nos sources, Carrefour commencera par dévoiler la conservation de la direction en place dans chaque enseigne. Le directeur général de Cora, Ludovic Châtelais, qui a fait toute sa carrière dans cette enseigne depuis 25 ans, sera donc maintenu. Tout comme Nicolas Dewailly, qui a remplacé il y a deux ans le grand réformateur de Match, l’ancien DG Louis Bourriez, dont il était l’adjoint. Tous deux seront désormais rattachés au directeur des opérations de Carrefour, Julien Munch.
Carrefour annoncera aussi la disparition progressive de l’enseigne Cora à son profit. Mais pas question d’aller au pas de course comme le font actuellement Auchan et Intermarché pour digérer les magasins Casino rachetés. L’intégration prendra ici deux ans et se fera en douceur humainement, tout en dégageant rapidement de la valeur.
Car les synergies attendues devraient aussi être meilleures que les 110 millions d’euros présentés lors de la promesse d’achat en juillet 2023. Et il est à parier que le directeur financier du groupe s’étendra plus sur les gains liés à l’optimisation des performances commerciales, comme la dynamisation des marques propres, que sur ceux dus à la mutualisation des coûts, qui déclenchera d’inéluctables dégraissages pour une grande partie des fonctions supports.
Analystes difficiles
La direction de Carrefour devrait se féliciter au global d’un gain de 2 points de parts de marché supplémentaires pour atteindre 21,5 %. La progression lui permet de ne pas se laisser trop rapidement distancer par E.Leclerc (24,3 %), ni rattraper par Intermarché (17 %). Mais les analystes et les investisseurs accueilleront-ils positivement ce mouvement défensif alors qu’ils n’ont même pas daigné saluer l’arrêt de la baisse des parts de marché volume de Carrefour il y a quelques jours ?
Ou bien regarderont-ils le prix de rachat inchangé aux alentours de 1 milliard d’euros ? Celui-ci était considéré comme un bon prix en juillet dernier. Entretemps, Cora a toutefois perdu 3 % de chiffre d’affaires et 21 millions d’euros de résultat opérationnel sur 2023.
La question sociale devrait aussi être soulevée. En plus du dégraissage dans les sièges, et en partie dans les entrepôts, le recours à la franchise et à la location-gérance pour au moins une partie des 175 nouveaux magasins est à prévoir. Autrement dit, après l’intégration sous la direction de Julien Munch, de nombreux points de vente viendront s’ajouter au parc toujours plus grand d’hypermarchés, de supermarchés et de supérettes en franchise placé sous la direction de Tina Schuler, au lieu d’enrichir le vivier de Franck Kenner, directeur du pôle magasins intégrés de Carrefour, en régression constante depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard en 2017.
Si Carrefour ne parvenait pas à convaincre les investisseurs ce soir, il lui reste toutefois les résultats semestriels du 25 juillet pour tenter de rebooster le cours boursier. Les ventes et la situation au Brésil reprennent des couleurs, deux ans après l’intégration du groupe Big. Les premières estimations d’un résultat d’exploitation en hausse de 5 % au premier semestre 2024 pourraient être du coup légèrement sous-évaluées.
Source : La Lettre.