Le réveil de Carrefour ne semble possible que dans le sang et les larmes.
Le groupe, qui peine à changer de braquet et à restaurer la confiance des investisseurs et de ses propres troupes, fait face à une campagne d’activisme en cours de structuration.
Une offensive qui pourrait contribuer à faire bouger les lignes.
Le fonds activiste français Whitelight Capital a annoncé jeudi la création d’un collectif destiné à renforcer son influence sur Carrefour, alors que le géant de la distribution fait face à des tensions croissantes avec ses franchisés. Baptisée Collectif Carrefour Redressement et Équité (CCRE), cette initiative vise à rassembler actionnaires, franchisés français et européens, fournisseurs, partenaires, ainsi que des salariés et anciens dirigeants du groupe, selon le communiqué publié par Whitelight Capital, qui a créé un Substack pour communiquer sur le dossier et qui se démène pas mal dans les médias pour faire avancer sa cause.
Déjà début mars, le fonds avait mis en garde les actionnaires de Carrefour contre des risques structurels et financiers inhérents à son modèle de franchise, estimant qu’il représentait une menace pour la stabilité du groupe. Cette mobilisation s’inscrit dans une campagne plus large d’activisme actionnarial menée par Kevin Romanteau, président de Whitelight Capital, en collaboration avec Jérôme Coulombel, un ancien de la maison. Leur objectif “fédérer les petits porteurs du distributeur pour obtenir un siège au conseil d’administration et exiger en leur nom une révision du modèle de franchise”, rapportait La Lettre en début de semaine.
Les tensions entre Carrefour et son réseau de franchisés ne sont pas nouvelles. Whitelight estime qu’elles menacent les performances opérationnelles et financières du distributeur. Depuis son arrivée aux commandes en 2017, Alexandre Bompard a misé sur l’extension du modèle de la franchise pour externaliser une partie des coûts et préserver les marges, dans un secteur soumis à une forte pression concurrentielle. Mais cette stratégie suscite de plus en plus de contestations.
Des franchisés frondeurs
Les franchisés dénoncent des conditions jugées inéquitables, au point que l’Association des franchisés Carrefour (AFC), représentant 260 magasins, a décidé de riposter. Vendredi dernier, elle a annoncé le lancement d’un réseau d’achat alternatif, baptisé Projet X, destiné à remettre en cause l’approvisionnement centralisé imposé par Carrefour. Une initiative qui pourrait fragiliser davantage la chaîne logistique du distributeur.
Whitelight, qui revendique une participation (non détaillée) dans le capital de Carrefour, estime que la tension avec les franchisés constitue un “risque structurel pour les actionnaires”. Kevin Romanteau a manifesté son intention de renforcer la participation de son fonds dans le distributeur et n’écarte pas de briguer un siège au conseil d’administration.
De son côté, l’AFC a déjà porté l’affaire en justice, contestant les tarifs auxquels Carrefour vend ses produits aux franchisés. Le groupement se dit toutefois ouvert à la discussion.
Une valorisation au plus bas depuis 20 ans
“Carrefour est loin d’être une histoire de croissance et se négocie actuellement sur des multiples de valorisation proches de ceux du tristement célèbre Groupe Casino“, souligne l’analyste d’AlphaValue Nishant Choudhary. Les soucis du groupe sont multiples, poursuit le spécialiste, qui cite en particulier le problème récurrent des hypermarchés en souffrance en France, aggravé par les acquisitions récentes, mais aussi les difficultés en Italie, en Belgique et en Pologne face à une concurrence féroce. La cession de l’Italie et de la Pologne, maintes fois envisagée par les bons connaisseurs du dossier, pourrait revenir au goût du jour, même à vil prix.
Parce que les bonnes performances des magasins de proximité, de l’Espagne et du Brésil ne cachent plus la misère, comme l’illustre la baisse de 25% de l’action depuis qu’Alexandre Bompard était censé jouer les hommes providentiels à son arrivée en 2017. Choudhary note que Carrefour se négocie actuellement sur des multiples de valorisation inédits depuis 2006, qui n’ont même pas été atteints lors des crises des subprimes et du covid.
Chez Zonebourse, nous avons déjà écrit quelques tartines sur la société, par exemple en sondant la forte décote (apparente) dont pâtit le distributeur, ou en intronisant l’enseigne dans la rubrique boursière la plus célèbre de la rive nord du Lac d’Annecy, “Fallait pas l’Inviter”.
Source : Zonebourse