L’Autorité de la concurrence autorise, sous condition, le rachat des activités françaises du groupe Louis Delhaize (magasins Cora et Match) par Carrefour !

L’essentiel :

Le 25 octobre 2023, la Commission européenne a décidé de renvoyer l’examen de la reprise, par le groupe Carrefour des activités françaises du groupe Louis Delhaize, soit 186 magasins et l’ensemble des actifs immobiliers, à l’Autorité de la concurrence, en raison de « l’expertise spécifique » que celle-ci a développée dans ce secteur. En effet, l’Autorité a examiné de nombreuses opérations, passées[1] ou en cours[2], dans le secteur de la distribution alimentaire.

Ainsi, le groupe Carrefour a notifié à l’Autorité son projet d’acquisition le 3 juin 2024. L’Autorité a accordé au groupe Carrefour, à sa demande, une dérogation à l’effet suspensif du contrôle des concentrations qui lui a permis de réaliser l’opération sans attendre la décision de l’Autorité et ainsi procéder notamment aux changements d’enseigne des magasins. Cette dérogation ne préjugeait en rien de la décision finale prise par l’Autorité qui intervient ce jour.

Ainsi, après examen de l’opération d’acquisition, l’Autorité autorise le groupe Carrefour à prendre le contrôle des activités françaises du groupe Louis Delhaize sous réserve que huit magasins soient cédés à des enseignes concurrentes, afin que les consommateurs puissent bénéficier d’alternatives suffisantes pour faire jouer la concurrence pour leurs achats de produits de grande consommation. Par ailleurs, l’opération est également conditionnée à la cession d’une galerie marchande attenante à l’un des magasins devant être cédés.

Les parties à l’opération

Carrefour exploite des magasins dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire, sous différents formats : hypermarchés (sous enseigne Carrefour), supermarchés (sous enseigne Carrefour Market), magasins de proximité (sous enseigne Carrefour City, Carrefour Contact, Carrefour Express, Bio c’Bon), magasins « cash & carry » (sous enseigne Promocash) et magasins « soft discount » (sous enseigne Supeco).

La reprise par le groupe Carrefour concerne la société Provera, qui constitue la centrale d’achat de biens de consommation du groupe Louis Delhaize en France, la société Delparef, qui exploite, au travers de deux filiales, des magasins de distribution alimentaire sous enseignes Cora et Supermarchés Match et la société Galimmo, qui est la foncière en charge de l’investissement, du développement et de la gestion de galeries marchandes attenantes aux hypermarchés Cora.

L’Autorité a écarté tout problème de concurrence sur les marchés de l’approvisionnement en biens de consommation courante

L’Autorité a considéré que l’opération n’était pas susceptible de renforcer significativement la puissance d’achat de Carrefour sur les marchés amont de l’approvisionnement en biens de consommation courante, compte tenu de la faible part d’achat que représentent les anciens magasins du groupe Louis Delhaize en France.

Les risques d’atteinte à la concurrence au détriment des consommateurs locaux détectés dans sept zones locales

Dans la grande majorité des zones examinées où Carrefour disposait déjà de magasins, l’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence. Elle a en revanche conclu que l’opération emportait un risque d’atteinte à la concurrence dans huit marchés locaux situés à Soissons (02), Vichy (03), Villers-Semeuse (08), Rots (14), Nancy (54), Publier (74), Les Pavillons-sous-Bois (93) et dans l’agglomération de Charleville-Mézières (08).

En effet, l’Autorité a constaté que, dans ces zones, le groupe Carrefour renforcerait significativement son pouvoir de marché, sans alternatives crédibles et suffisantes pour discipliner son comportement concurrentiel. Cette situation risquait notamment d’entraîner une réduction de la diversité de l’offre, une détérioration de la qualité du service ou encore une augmentation des prix dans ces zones, au détriment des consommateurs et des locataires de locaux commerciaux.

Carrefour a proposé des engagements consistant en des cessions et une résiliation de contrat de franchise d’un magasin au profit d’une enseigne concurrente, ainsi qu’en la cession d’une galerie marchande pour résoudre les préoccupations de concurrence identifiées par l’Autorité.

Ces engagements permettront d’assurer le maintien d’une concurrence suffisante et de protéger les intérêts des consommateurs sur les marchés concernés.

Les huit magasins concernés par les cessions ou la résiliation du contrat de franchise au profit d’une enseigne concurrente sont les suivants :

Zone concernée Nature de l’engagement Adresse Code postal – Ville Enseigne avant l’opération
Soissons Cessions Avenue de Compiègne 02200 – Mercin-et-Vaux Carrefour Market
Rue des Pensées 02880 – Coury Carrefour Market
Vichy Résiliation de contrat de franchise Carrefour Rue des Peupliers 03300 – Cusset Carrefour
Villers-Semeuse Cession Route départementale 764 08000 – Villers-Semeuse Cora
Rots Cession Départementale 515 14200 – Hérouville-Saint-Clair Carrefour
Nancy Cession 24 avenue du XXème Corps 54000 – Nancy Match
Publier Cession Route départementale 1005 74500 – Publier Cora
Les Pavillons-sous-Bois Cession Avenue Georges Pompidou 93320 – Les Pavillons-sous-Bois Cora

La galerie marchande concernée par l’engagement de cession sera la suivante :

Zone concernée Adresse Code postal – Ville Propriétaire avant l’opération
Agglomération de Charleville-Mézières Route départementale 764 08340 – Villers-Semeuse Galimmo

L’Autorité veillera à la bonne réalisation des engagements permettant le maintien d’une concurrence efficace et la continuité de l’exploitation des magasins concernés

Les repreneurs présentés devront être agréés par l’Autorité, qui s’assurera qu’ils seront à même de constituer une offre alternative crédible au groupe Carrefour dans chacune de ces zones. L’Autorité sera vigilante à ce que l’acquéreur ou les acquéreurs présentent les compétences et les capacités financières adéquates pour exploiter de façon pérenne et développer l’activité des magasins cibles et de la galerie marchande cible. Les cessions devront comprendre l’ensemble des éléments nécessaires au maintien de la viabilité de l’activité et intégrer le personnel employé dans les magasins concernés avant leur reprise par le groupe Carrefour.

Cession de magasins ne signifie pas fermeture des magasins, mais reprise avec changement d’enseigne afin d’écarter les risques de hausses de prix et/ou d’appauvrissement de l’offre au détriment du consommateur

Les engagements servent à maintenir un dynamisme suffisant de la concurrence au plan local.

Leur objectif est de permettre la reprise des magasins et de leur activité par une enseigne concurrente afin de maintenir l’animation concurrentielle dans la zone concernée et ainsi de garantir aux clients une offre diversifiée en prix et en produits. Le processus de cession de magasins fait l’objet d’un examen attentif par l’Autorité dans les mois qui suivent la décision autorisant l’opération. Le titulaire de l’autorisation doit proposer à l’Autorité des repreneurs qui sont aptes à assurer une reprise dans de bonnes conditions de validité, ces repreneurs devant ensuite exercer une concurrence effective. C’est au terme de l’examen de ces repreneurs qu’un agrément peut être délivré par l’Autorité, ce qui autorisera la cession effective du magasin en cause.

Ces cessions ne signifient donc pas fermeture des magasins, mais reprise avec changement d’enseigne.

Qu’est-ce que la dérogation à l’effet suspensif ?

Si la réalisation effective d’une opération de concentration ne peut intervenir qu’après l’accord de l’Autorité de la concurrence, dans certaines circonstances exceptionnelles, dûment motivées par les parties, l’Autorité peut octroyer une dérogation leur permettant de procéder à la réalisation effective de tout ou partie de l’opération sans attendre la décision d’autorisation et ce afin de permettre la poursuite de l’activité.

L’octroi d’une telle dérogation est exceptionnel. Une dérogation peut être accordée notamment dans le cas où l’entreprise acquise rencontre des difficultés, par exemple financières, importantes qui mettent en péril sa viabilité, comme c’était le cas en l’espèce.

L’octroi d’une dérogation par l’Autorité ne préjuge toutefois en rien de la décision finale prise à l’issue de l’instruction, l’Autorité pouvant imposer des remèdes (par exemple, cessions) voire interdire l’opération si celle-ci porte atteinte à la concurrence.

[1] Décisions de l’Autorité n° 24-DCC-255 du 28 novembre 2024 relative à la prise de contrôle exclusif de 200 magasins anciennement sous enseigne Casino par la société ITM Entreprises et n° 24-DCC-288 du 13 décembre 2024 relative à la prise de contrôle exclusif de 25 points de vente du groupe Casino par Carrefour.

[2]Cession de 98 points de vente, anciennement Casino, au groupe Auchan, actuellement en cours d’examen.

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