Dans une note rédigée en prélude des résultats du premier semestre du distributeur, la banque estime que le groupe dévoilera des comptes semestriels dégradés et a ainsi revu à la baisse ses prévisions. L’établissement a placé la valeur sous surveillance négative.
Carrefour ne positive guère en Bourse ce jeudi 26 juin. Le groupe de distribution plonge de 8,6% à 11,65 euros ce jeudi 26 juin en milieu d’après-midi, accusant de loin la plus forte baisse du CAC 40.
Le groupe dirigé par Alexandre Bompard est plombé par JPMorgan. Dans une note publiée ce jeudi, la banque américaine a prévenu s’attendre à un premier semestre compliqué pour la société du CAC 40.
L’établissement a confirmé à “sous-pondération” (équivalent de “vendre”) son conseil sur l’action, et a abaissé à neuf euros son objectif de cours contre dix euros précédemment. JPMorgan a aussi placé le titre sous surveillance négative (“negative catalyst watch”), ce qui signifie qu’elle s’attend à ce qu’un événement défavorable survienne prochainement sur l’action.
Depuis le début de l’année la banque explique que les dynamiques sous-jacentes de la société en matière de bénéfices et de flux de trésorerie de Carrefour lui paraissent “moins saines” que celles suggérées de prime abord par les chiffres de l’entreprise.
JPMorgan pense que le premier semestre 2025 de Carrefour, qui sera publié le 24 juillet prochain attestera d’une dégradation de ces tendances.
Une rentabilité dégradée
La banque estime notamment que le résultat opérationnel courant de la société dans ses trois zones clef (France, Europe et Amérique Latine) reculera de plus de 10%, alors que le consensus table sur une stabilité de cet indicateur pour ces trois géographies.
Dans le détail, la banque voit le résultat opérationnel courant en France reculer de 13,3% sur un an à 248 millions d’euros au premier semestre, pour un taux correspondant de 1,3% contre 1,6% un an plus tôt. En Europe le repli se chiffrerait à 12,8% pour un taux de 0,7% tandis qu’en Amérique latine le résultat opérationnel courant baisserait de 10,8%.
Au niveau de l’ensemble du groupe, le résultat opérationnel courant diminuerait de 11,4% tandis que la rentabilité tomberait à 1,6% contre 1,8% au premier semestre 2024.
La banque explique notamment que Carrefour va passer des coûts opérationnels supplémentaires de 100 millions d’euros et des dépenses d’investissement (capex) de 60 millions d’euros cette année, ces charges étant liées aux rachats des enseignes Cora et Match.
Or le gros de l’impact de ces dépenses doit survenir au premier semestre, ce que le marché n’a a priori pas intégré, selon JPMorgan.
Par ailleurs, la France fait face à “des pressions de marché”, souligne JPMorgan. La banque note que les dépenses de consommation des foyers français se sont repliées de 0,2% sur un an sur la période allant du 21 avril au 18 mai dans les grandes enseignes.
Vers une offensive de Leclerc?
Certes, Carrefour a vu sa part de marché augmenter d’environ 2 points de pourcentage pour atteindre 20,6 points, ce qui fait du groupe le numéro deux du marché derrière les enseignes Leclerc.
Mais cette progression s’explique par de la croissance “inorganique”, c’est-à-dire les parts de marchés issues des rachats de Match et Cora. JPMorgan estime que, retraitées de ces acquisitions, les part de marché de la société se sont, au mieux, stabilisées sur un an.
Ce alors que la concurrence risque de s’intensifier. “Nous constatons que Leclerc ne gagne plus de parts de marché, ce qui, selon nous, pose le risque de nouvelles actions sur les prix (…) Cela représente un risque pour Carrefour”, assène JPMorgan.
Invité de BFMTV-RMC ce jeudi, Michel-Édouard Leclerc, président du comité de direction des centres E.Leclerc, a indiqué que son groupe effectueraient encore des promotions cet été, même s’il n’a pas précisé lesquelles.
Un cash pas si cash
Au-delà du premier semestre, JPMorgan a abaissé ses estimations de résultat opérationnel courant de 8%, en moyenne, sur la période 2025-2027, et celles de bénéfices par action de 11%.
Rappelons que, pour la seule année 2025, Carrefour table sur une légère progression de son résultat brut d’exploitation (Ebitda), de son résultat opérationnel courant et de son flux de trésorerie libre.
JPMorgan, prévient que ses objectifs ne seront, selon elles, pas tenus. La banque anticipe un repli de l’Ebitda situé entre 2% et 4% et une contraction de 8% du résultat opérationnel courant et ce même en retenant un second semestre bien meilleur que le premier.
L’établissement table sur un repli encore plus fort du bénéfice par action (plus de 10%) et s’attend à ce que la génération de trésorerie et le dividende soient nettement plus bas en 2025 que ne l’anticipe le consensus.
Au passage, JPMorgan égratigne Carrefour sur son cash-flow. L’établissement note que le groupe utilise une définition du flux de trésorerie qui n’est pas “standard”, excluant les loyers et les dividendes mais qui intègre les produits issus de transactions immobilières.
En 2024, la génération de cash a été en grande partie réalisée via la hausse des dettes fournisseurs et grâce à l’argent tiré d’opérations immobilières, selon la banque.
JPMorgan explique que ces deux facteurs ont également fortement joué en 2022 et 2023. Or aucun de ces deux éléments ne constitue “une source durable de flux de trésorerie”, assène JPMorgan.
Pour la banque, la réelle dynamique du groupe en termes de génération de cash, s’avère en réalité “plutôt faible”. Conclusion de l’établissement: les tendances de Carrefour en termes de génération de cash “ne sont pas soutenables”, ce qui constitue “une préoccupation constante”.
Carrefour en désaccord
Interrogé par l’AFP, Le distributeur a déploré l’absence “d’argument réellement nouveau, hormis des prévisions très négatives au plus bas des attentes du consensus, et clairement en deçà des objectifs du groupe annoncés en février et confirmés en avril”.
Le groupe estime aussi que cette note ne tient “pas compte des plus récentes dynamiques de consommation et de parts de marché en France”.
Dans une note rédigée ce jeudi, le bureau d’études indépendant Alphavalue estime que Carrefour fait face à des “risques de court-terme”.
“En France, les hypermarchés subissent les foudres de Leclerc et la justice française devrait annoncer une première décision sur le litige entre le distributeur et l’association de ses (AFC). La sous-performance de la zone ‘Europe (hors France)’ devrait également se poursuivre, en particulier en Pologne et en Italie”, écrit-il.
“Les investisseurs attendent les résultats de la revue stratégique et commerciale en cours. Nous ne serions pas surpris si la direction annonçait un retrait de un ou eux pays et une concentration accrue sur la région Amérique latine”, ajoute Alphavalue.
Carrefour : Whitelight Capital revient à la charge
Whitelight Capital en remet une couche. Le fonds activiste, qui s’est attaqué en début d’année à Carrefour en mettant en cause le modèle de franchisés du distributeur, accuse cette fois le groupe de masquer une partie de sa dette. Dans une note, que ‘Challenges’ a pu consulter, le fonds dirigé par Kévin Romanteau affirme que Carrefour aurait une dette nette supérieure d’au moins 1,5 milliard d’euros à ce qu’il affiche via des pratiques comptables jugées opaques au Brésil. Selon le fonds, la dette réelle du groupe atteindrait ainsi 10,4 MdsE, contre 8,8 MdsE officiellement, gonflant ainsi le ratio d’endettement à 2,2 années d’excédent brut d’exploitation, “positionnant Carrefour parmi les distributeurs européens les plus endettés”. K.Romanteau a eu l’occasion de poser des questions lors de l’assemblée générale annuelle, mais ne l’a pas fait, souligne ‘Challenges’, en citant une source interne chez Carrefour.
Source : BFM / Boursier.com