Depuis les années 1990, on parle de la mort probable des hypermarchés. Même si ces grands magasins souffrent et tentent de se renouveler à coups de plans sociaux, force est de constater qu’ils sont toujours présents. Mais qu’ils doivent se transformer pour survivre.
On a beaucoup glosé sur la mort des hypermarchés, et ce depuis les premiers signes de leur essoufflement, qui date des années 1990. Et pourtant, ces formats de magasins représentent toujours une part importante de l’activité en 2019 : 11 millions de mètres carrés, 2 232 enseignes et 72 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ce qui semble bien terminé, en revanche, c’est le temps de la croissance folle. Aujourd’hui, leur chiffre d’affaires est plutôt en baisse, et les plans de reconversions, qui s’accompagnent souvent de suppressions d’emplois, se succèdent dans les enseignes. A l’image d’Auchan, enseigne du groupe familial Mulliez, qui vient d’annoncer un plan de suppressions de 517 postes. Alors, lent déclin, ou simple transition avant un renouveau ? Éléments d’analyse.
Une transition mal anticipée…
Les habitudes de consommations ont changé, avec elles les formats de magasins. Si en 1963, date de l’ouverture du tout premier hypermarché (Carrefour, à Sainte-Geneviève-des-Bois dans l’Essonne), le concept du “tout sous le même toit” paraissait révolutionnaire et surtout ultra-pratique, force est de constater que l’hypermarché ne fait plus recette, du moins plus autant qu’avant. Chez Auchan par exemple, le chiffre d’affaire de la partie “retail” (commerce de détail) est en repli structurel depuis plusieurs années. Et ses dirigeants d’expliquer que “l’enseigne a vieilli avec ses clients” et qu’elle est une des entreprises qui a le plus tardé à s’adapter aux nouveaux modes de consommation (plus de produits sains, écologiques et locaux) et surtout aux nouveaux modes de distribution, avec la révolution du commerce en ligne.
Un retard d’adaptation qui a mis à mal la plupart des autres enseignes de la grande distribution, car c’est tout le secteur des biens de consommation qui est touché. Et un retard qui fait dire à plusieurs analystes que les groupes ont manqué d’anticipation, et auraient peut-être du mieux gérer leurs investissements en rénovant, par exemple, les magasins les plus vieux, au lieu d’investir, parfois tout azimuts, à l’étranger. Des investissements étrangers qui sont d’ailleurs aujourd’hui en net repli.
Yves Puget est le directeur de la rédaction de LSA Magazine, une publication spécialisée dans la distribution. Il note lui aussi le manque d’investissement des enseignes dans leur principal outil de travail : les magasins.
Les très grands hypermarchés ont des difficultés, d’abord parce que le non-alimentaire est très fortement concurrencés par les magasins spécialisés et par l’e-commerce. Les magasins, en outre, deviennent trop grand. Enfin, il y a eu un manque d’investissement dans l’outil de travail : les distributeurs français ont trop fortement investi à l’international pendant les années 90 et au début des années 2000, et n’ont pas suffisamment rénové leur parc.
…qui a des conséquences sur l’emploi
Près d’un million de personnes travaillent pour la grande distribution, dont 632 957 dans le secteur alimentaire, selon l’Observatoire prospectif du commerce. Un chiffre en repli depuis 2018, et un chiffre qui ne devrait pas augmenter, si l’on en croit d’une part l’automatisation des métiers (et la course, dans certaines petites surfaces, aux caisses automatiques), et d’autre part la concurrence continue des commerçants en ligne type Amazon. A cette baisse, a priori inexorable de l’emploi dans la grande distribution, les syndicats de la branche opposent la nécessité d’anticiper en formant les employés, qui sont souvent peu diplômés. Plutôt que “d’accompagner le déclin”, comme le dit Patrick Ertz de la CFTC Commerce et Distribution.
Dès qu’un magasin baisse en chiffre d’affaires, on baisse également les frais. On va donc réduire l’emploi. On accompagne le déclin. Concernant l’automatisation des caisses, on aurait pu se préparer en l’anticipant et en prévoyant un grand plan de formation.
Pour l’instant c’est via la cession d’espaces de vente, les partenariats avec d’autres enseignes (les “shops in shop” de Carrefour et Darty), et bien souvent, la réduction de la masse salariale, que les enseignes essayent de retrouver de la trésorerie pour tenter de transformer leur modèle.
Les hypermarchés, toujours moteur de croissance ?
Daniel Ducroq, expert distribution au sein du cabinet Nielsen, y croit. Mais à certaines conditions. Et il note que les hypermarchés dont le chiffre d’affaire a le plus cru ces dernières années sont ceux qui ont su, entre autres facteurs, valoriser ce qu’on appelle “l’expérience client”. Pour arriver à cette conclusion il s’appuie sur une étude de son cabinet qui pointe la corrélation entre l’avis des clients sur les hypers et leur performance économique. Où il apparaît que la satisfaction de la clientèle est un facteur essentiel de croissance.
Les magasins bien notés par leurs clients ont de bonne performances. Oui l’hypermarché est en recul, mais au sein de cet univers certains magasins s’en sortent bien. Notamment ceux qui ont des beaux stands de produits alimentaires frais. Evidemment, le prix joue aussi, c’est l’un des facteurs pour lequel on se déplace jusqu’à un hypermarché. Les magasins qui ont des ruptures de stocks sont eux plutôt sanctionnés par les consommateurs. Enfin, les magasins qui ont été rénovés ces dernières années, qui ont étendu l’alimentaire au détriment du non alimentaire, ces magasins là marchent bien.
Par ailleurs une étude, du même cabinet, révèle que les hypermarchés les plus performants, sont ceux qui comptent le plus d’employés au mètre carré.
Source : France Culture Par Anne-Laure Chouin.