Cette tribune d’opinion est proposée par Nicolas MANCRET,
avocat associé en charge du Pôle social au cabinet Jeantet.
La décision du Conseil Constitutionnel du 5 août 2021 sur la loi relative à la gestion de la crise sanitaire, n° 2021-824 DC, permet de clarifier les règles d’emploi des salariés qui travaillent dans certains lieux ou établissements et qui sont en contact avec le public.
Les salariés, qu’ils soient sous contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée ou de mission, sont tous exposés au même risque de contamination ou de transmission du virus, et par conséquent, ils doivent tous être traités de la même façon. Dans le cas contraire cela méconnaitrait le principe d’égalité de traitement entre les CDD, CDI et salariés mis à disposition en contrat de mission, vient de rappeler le Conseil Constitutionnel.
L’obligation de présenter un « Passe sanitaire » n’est imposée que pour la période comprise entre le 30 août et le 15 novembre 2021 et pour les seuls salariés et agents publics intervenant dans les lieux, établissements, services ou événements dont l’accès est soumis à cette obligation, lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue.
Pratiquement dans les entreprises, à compter du 30 août, les choses se dérouleront comme suit :
Si le salarié le salarié ou l’agent public ne présente ni le résultat d’un examen de dépistage virologique négatif, ni un justificatif de statut vaccinal, ni un certificat de rétablissement, la suspension du contrat de travail peut intervenir et s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération
Cette suspension du contrat de travail prend fin dès que le salarié ou l’agent public produit les justificatifs requis.
Lorsque la suspension du contrat de travail se prolonge au-delà d’une durée équivalente à trois jours travaillés, l’employeur doit convoquer le salarié ou l’agent public à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation. S’il s’agit d’un salarié, cet autre poste doit être proposé au sein de l’entreprise.
Le Passe sanitaire n’est pas un motif de licenciement
Il reste la question épineuse d’apprécier si le licenciement du salarié en CDI/ CDD peut être envisagé. La loi sanitaire a exclu toute possibilité de rompre le contrat de travail sur ce motif spécifique de non-présentation du Passe sanitaire. Dès lors ce sont les règles du droit commun du licenciement qui devront s’appliquer :
Pour les CDD, seul le licenciement pour faute grave permet de mettre un terme au contrat de travail précaire. Il parait inenvisageable de requalifier en faute grave, le refus du salarié à présenter un Passe sanitaire quand bien même cette mention serait portée dans les contrats de travail.
S’agissant du licenciement du salarié employé en CDI, il convient de s’interroger sur 2 motifs que l’entreprise serait tentée d’invoquer : la désorganisation de l’entreprise d’une part et les difficultés économiques d’autre part.
Sur le motif des difficultés économiques, celles-ci sont appréciées sur une période correspondant au minimum au trimestre voire plusieurs trimestres en fonction de la taille de l’entreprise (article L 1233-3 du Code du travail). En l’espèce, l’obligation du Passe sanitaire étant imposée sur une période de 2,5 mois (30 août/15 novembre), il sera difficile de le justifier sur une période aussi courte. A cela, il convient de mentionner que durant la période de suspension du contrat de travail, l’employeur est dispensé de rémunérer le salarié et que les difficultés de trésorerie ne sont pas liées au cout salarial du collaborateur qui ne présente pas son Passe sanitaire.
Il reste le motif de licenciement fondé sur la désorganisation de l’entreprise. C’est un argument habituellement très contrôlé par la jurisprudence des Conseils de prud’hommes et des Cour d’appel statuant en matière sociale. Le motif ne sera pas aisé à utiliser car l’entreprise pourrait, à mon sens, recruter des salariés en CDD pour remplacer ceux qui ne travaillent pas en raison de la non-présentation du Passe sanitaire.
Les Centres commerciaux et Grands magasins, restent à la merci de décisions préfectorales
La loi donne aux préfets la possibilité au-delà d’un seuil définit par décret et lorsque le degré de contamination le justifie, d’imposer le Passe sanitaire dans les centres commerciaux et les Grands magasins, dans ce cadre il sera décidé dans quelles conditions les centres commerciaux et grands magasins seront astreints à respecter ces restrictions d’emploi. Ces restrictions s’appliqueront aux personnels du grand magasin, comme aux personnels détachés par les marques pour assurer une prestation dans ce magasin. L’obligation portera sur les employeurs de ces personnels (intérim, vacataires ou autre) qui devront bien vérifier que ces personnes disposent de leur Passe sanitaire pour exercer leur prestation. Le débat contractuel entre la société contractuelle et la société bénéficiaire.
Un sujet reste à clarifier : est-ce que les hôtes et hôtesses de caisse font partie des populations pour lesquelles la loi sanitaire impose le Passe sanitaire à compter du 30 août 2020 dans la mesure où ils côtoient en permanence le public ce qui n’est pas le cas des magasiniers par exemple.
Par Nicolas Mancret, avocat associé en charge du Pôle social au cabinet Jeantet.
Source LSA : PUBLIÉ LE 06/08/2021