Carrefour-Cora : le mariage prend un peu plus de temps que prévu !

Carrefour devra patienter encore quelques mois avant d’obtenir le feu vert de l’Autorité de la concurrence, occupée par les dossiers de 300 magasins Casino. Sa décision est désormais prévue pour l’été, et non pour avril comme espéré. Etat des lieux de ce rapprochement stratégique.

Pré-notifiée en novembre par Carrefour à l’Autorité de la concurrence, l’avis de cette dernière sera rendu plus tard que prévu.

Ce n’est pas vraiment une surprise, mais cela mérite que l’on s’y attarde. Les dossiers de concentration sont toujours sensibles et l’année 2024 est particulièrement dense en la matière. L’Autorité de la concurrence chargée d’étudier de près les zones de chalandise des différents magasins rachetés pour donner son aval à toute opération de concentration serait-elle débordée en ce moment sur le secteur de la grande distribution ou bien les fiancés auraient-ils besoin de plus de temps ? Toujours est-il qu’elle confirme ne pas être en mesure de rendre son avis sur l’opération de rachat de Louis Delhaize par Carrefour avant le mois de juin, voire avant l’été, alors que la date retenue il y a encore deux semaines était le mois d’avril. « Ce sera juste avant l’été ou après, explique un porte-parole de l’Autorité. Ce n’est pas stabilisé de leur côté, les parties discutent entre elles. » Pourtant, « l’opération a été pré-notifiée en novembre 2023 », signale-t-on chez Carrefour, qui estime le « délai plus que raisonnable ». Pré-notifiée, et donc, en cours d’examen, comme l’indique le site de l’Autorité de la concurrence. Seulement, depuis, Intermarché, Auchan et Carrefour aussi ont repris plus de 300 magasins à eux trois, ce qui signifie autant de dossiers pour des « équipes sous-staffées » à la Haute-Autorité, d’après une source proche du dossier.

Clauses de réajustement

Depuis aussi, le chiffre d’affaires de Cora pour 2023, ainsi que ses résultats, publiés par LSA le 12 mars dernier, se sont avérés décevants. A 3,8 milliards d’euros au lieu des 4 attendus, le chiffre d’affaires accuse une baisse de 3%, ce qui est rare pour un groupe de distribution alimentaire en période d’inflation, et traduit une baisse encore plus forte des ventes en volume. Et l’EBE (excédent brut d’exploitation)  dégringole de 5%, à 124,3 millions d’euros. En trois ans, il a baissé de 19%. Cela peut-il remettre en cause le montant du prix d’acquisition de Louis Delhaize par Carrefour, acquisition signée en juillet dernier ? Le prix payé, 1,05 milliard d’euros, soit 0,2 fois les ventes, n’avait pas été jugé très élevé par les analystes à l’époque. « La valorisation financière est attractive, avait souligné Nicolas Champ, analyste pour le retail chez Barclays, dans LSA. Le multiple de 5,3 fois l’Ebitda est inférieur à la moyenne du secteur en Europe. » Pour autant, cela n’empêche pas l’acquéreur de pouvoir revoir le deal si les résultats s’avèrent mauvais. « Ce genre de clause de réévaluation du prix est courante », estime un analyste. Lors d’un comité économique qui s’est déroulé chez Cora fin mars, il a été juste dit que « le prix de vente définitif sera fixé en fonction des résultats de Cora ». Contactée par LSA, la direction n’a pas donné suite.

Ces questions ne ralentissent pas visiblement le mode opératoire de la vente. Les équipes étudient activement le rapprochement d’enseignes, comme le dit le média spécialisé La Lettre dans un article publié le 2 avril. Avec un objectif, 110 millions d’euros d’Ebitda de synergies annuelles trois ans après l’opération, obtenues pour moitié par de l’optimisation commerciale (hausse du poids des MDD, synergies logistique et achats, développement omnicanal, optimisation sur le non-alimentaire) et pour l’autre moitié par une mutualisation des coûts de distribution (achats non marchands, dépenses marketing…). C’est là que les syndicats se montrent inquiets, notamment s’agissant de l’avenir du siège de Cora, situé à Croissy-Beaubourg, en Seine-et-Marne, et des plates-formes logistiques (11, dont 3 principales toutes situées dans le nord de la France). Cora compte au total 17 000 salariés en France, dont 880 dans les sièges et 14 700 dans les magasins.

Maintien de l’enseigne Cora ?

L’enseigne des 60 magasins Cora est-elle vouée à disparaître au profit de Carrefour ?  « Ce ne serait pas surprenant. Carrefour est beaucoup plus connu que CoraEt Cora n’est pas très fort en marques propres », soupire un délégué syndical. L’un des points forts de Carrefour justement, l’objectif d’Alexandre Bompard étant d’atteindre le seuil de 40% de marques de distributeurs en valeur d’ici à 2026. Reste à savoir si la greffe prendra facilement sur le plan humain. Les directeurs d’hypermarchés Cora ont une ancienneté moyenne de 27 ans et demi et sont très autonomes : ils gèrent leur assortiment, et définissent la politique de prix et de communication. Cela étant, le changement d’enseigne ne serait guère étonnant. Carrefour pourrait aussi opter pour une enseigne intermédiaire, à la manière d’un Colruyt en Belgique. Pour 38 des 57 magasins Match et Smatch rachetés à Louis Delhaize à l’automne dernier, Colruyt a choisi d’apposer une nouvelle enseigne temporaire, Comarché ou Comarkt, le temps de voir. « Cela génère des coûts en plus certes, mais cela leur permet aussi d’abandonner très vite l’ancienne enseigne et de ne pas avoir des magasins qui ne tiendraient pas leur promesse avec des produits à eux. C’est plutôt malin », juge un expert. L’initiative, originale, pourrait-elle inspirer Carrefour ? A suivre.

Source : LSA

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